Dans Mémoire du Soleil, l’artiste érige le tournesol en astre terrestre — symbole de la prospérité et de l’unité de l’Ukraine. Chaque graine, patiemment réunie au cœur d’un cercle parfait, incarne la force d’un peuple uni ; la main qui tient un seul grain préserve, comme dans un hiatus sacré, la quintessence d’une mémoire collective — ce petit éclat de lumière que nul oppression ne saurait effacer.
À droite du tableau, le fragment d’une chemise masculine des années 1940, originaire de la région de Ternopil, surgit comme une relique. Cachée dans un coffre par une famille déportée en Sibérie, cette broderie — seule survivante du tissu altéré — porte en ses fils les traces d’une résistance silencieuse. Le motif ne se contente pas d’être décoratif : il reproduit explicitement des symboles nationaux — le drapeau bleu et jaune, le blason (le trident) et la figure du lion — transformant la pièce en archive identitaire où se lisent à la fois l’exil, la mémoire et l’affirmation d’un peuple.
La rencontre de la matière (la broderie réelle) et de la peinture crée un palimpseste tactile : geste pictural et geste artisanal se conjuguent pour faire de la surface un lieu de transmission. Ici, le fil, la graine et le motif brodé deviennent autant de signes gouvernant le monde — petites arcanes par lesquelles se tissent la fidélité à la lumière et l’obstination de la mémoire.
